Sanctuaire - Installation vidéo holographique
Une colonne de lumière traverse des voiles translucides pour multiplier sa présence ; une colonne en devient deux, les jumelles s’épaississent et se divisent pour en formée dix. Les colonnes spectrales en grandissant et en traversant l’espace se dématérialisent et se dissolvent peu à peu dans leurs voiles révélateurs pour prendre la corporalité de fantômes. Les voiles révèlent et obscurcissent à la fois l’image virtuelle dans un jeu entre révélation et secret.
L’image vidéo sans profondeur est approfondie, elle est gonflée virtuellement dans la perspective de sa propre projection accentuée dans la profondeur réelle de la salle où se déploie l’installation. L’entrée dans la pièce est du côté opposé à la projection et fonctionnel avec la perspective. L’ascension devient ainsi possible dans la profondeur concave entre la procession des colonnes et vers horizon de la projection. Le résultat tient de l’holographie tout en utilisant la projection vidéo.De l’autre côté de la pièce, l’illusion de la perspective n’est plus et l’on voit une construction multipliée qui trouble la perception. Les rideaux gagnent ainsi en présence et leurs formes massives flottent inexplicablement en avançant dans l’espace.
La lumière voyage imperceptiblement sur la surface des colonnes tel le jour ; de gauche à droite, mais ensuite de droite à gauche. Le non-mouvement et l’éternel retour se retrouvent dans cette fluctuation subtile. Le déplacement de l’ombre et de la lumière est un cadran solaire qui tourne dans le noir, mais le renversement de la circulation de la lumière fait allusion à un état autre de lumière dont la source est invisible. L’empire des lumières trône dans la pénombre.
La colonne, et par extension, cette construction de colonnes a pour moi plusieurs niveaux d’interprétation. La colonne est la base sur laquelle repose l’architecture et la construction humaine, voire les civilisations humaines. Elle permet symboliquement l’union précaire entre le haut et le bas, entre les forces d’élévation et d’écroulement. De la plus grande construction à la plus petite, colonne est aussi liée au corps humain ; elle en est la charpente sous sa métaphore de l’ossature.
Le sanctuaire est un asile, un espace inviolable ; un lieu de repos ou de recueillement, hors de toute atteinte. Un espace à l’intérieur d’un espace, dans un temps qui est hors du temps. L’intérieur du sanctuaire est reconstruit holographiquement. Les grands étendards d’un palais s’étendent dans un espace approfondi.
« Nous chantons à la fois
Que nous portons les cieux !…
Filles des nombres d’or,
Portes des lois du ciel…
Nous marchons dans le temps
Et nos corps éclatants
Ont des pas ineffables. »
Paul Valéry, Cantique des Colonnes